Interview - Violence and son

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Nous sommes allés à la rencontre de Jean-Michel Van den Eeyden, metteur en scène de Violence and son pour en savoir plus sur la création de ce spectacle…

Pourriez-vous revenir sur la genèse du projet ?
J’ai découvert Iphigénie à Splott au Théâtre de Poche à Bruxelles et j’ai vraiment eu un coup de cœur. Le directeur du Poche m’a dit qu’il avait lu une autre pièce du même auteur, Gary Owen, et m’a conseillé de la lire. C’est comme ça que j’ai découvert Violence and son. Puis, il m’a fait une surprise et un cadeau en me proposant de la monter. Ce projet est donc né d’une complicité qui existe depuis des années entre L’Ancre et Le Poche.

Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Ce que j’ai aimé dans Violence and son, c’est cette capacité à mettre 4 personnages en jeu dans des situations dramatiques. Mais l’auteur parle de comédie dramatique, il y a donc un ton de comédie à trouver dans des éléments qui sont noirs. Et puis, ça faisait longtemps que je n’avais pas mis un texte en scène. C’est intéressant de se retrouver devant un texte, devant une partition qui est très belle pour les acteurs mais qui est extrêmement exigeante, qui est un peu une Pièce de Maître, une Master Piece. Pour les 4 acteurs, c’est vraiment un très beau parcours à défendre et une diversité à faire exister dans leur personnage.

Quelles thématiques sont abordées dans la pièce ?
Oui, cette pièce aborde plusieurs problématiques : d'abord l’atavisme, le consentement au sens large, la violence familiale et la violence envers les femmes. On retrouve dans la pièce ce que les bouddhistes appellent le karma familial. C’est à dire ce que l’on transmet volontairement ou involontairement de génération en génération. La pièce pose en effet des questions sur le monde tel qu’il se construit, tel qu’il se transmet, sur les valeurs que l’on transmet aux générations futures.

C’est une pièce avec un terreau social difficile…
Oui, la pièce se passe dans un milieu social que l’on sent précarisé mais elle aurait pu se passer dans n’importe quel milieu social. On sent qu’ils vivent dans la précarité, mais ils peuvent se payer à manger, à boire et ils n’ont pas l’air malheureux. C’est surtout une maison qui est tenue par la violence du père. C’est une situation de vie particulière puisque le fils découvre son père ou son géniteur à 17 ans, après la mort de la mère. Ils cohabitent depuis 6 mois, leur relation est très récente, et l’un et l’autre doivent faire des efforts, apprendre à se connaître. Effectivement, le père est malheureusement un personnage pour qui la violence est normale et systémique. C’est là que la pièce est intéressante car le père essaie d’être un bon père de famille, d’avoir des principes d’éducation, mais la violence a une emprise sur sa manière d’être, de s’exprimer et d’agir.

Ce père va se transformer, chaque personnage évolue-t-il ?
Ce que j’aime dans l’écriture de Gary Owen, c’est que chaque personnage est plus complexe que ce que l’on imagine au départ. Les personnages ouvrent une espèce de galerie de portraits. La pièce renvoie à la complexité humaine et aux différentes facettes présentes chez chacun de nous. Nous ne sommes pas blancs, nous ne sommes pas noirs, nous avons des zones grises même si on aimerait qu’elles n’existent pas. Ça pose la question de ce qui est acceptable, accepté, pourquoi. Ce n’est pas une pièce qui laisse indifférent, ce qui était une des raisons pour lesquelles j’ai accepté de la monter. Cette pièce provoque le débat…et tant mieux si le théâtre permet de susciter la discussion et l’échange de points de vue. C'est déjà ça de gagné.

Comment les comédien.ne.s ont préparé leur rôle ?
Dans leur jeu, tous les acteurs ont dû travailler sur la question de la violence puisque chaque personnage y est confronté. Jean-Luc Couchard, qui joue le père dominant et patriarcal, a dû aller chercher cette violence en lui. Et c’est un travail douloureux car il faut oser être violent pour pouvoir exprimer la violence sur scène et pas seulement l’évoquer. Il a fait un travail remarquable entre violence, douceur possible et en même temps il réussit à rendre ce personnage sympathique. Il fallait d’ailleurs qu’il soit un salaud qui attire notre sympathie car si c’était juste un type répugnant, la pièce ne fonctionnerait pas. Pour chaque acteur.rice, il y a eu un rapport à trouver avec la violence, avec la résistance, avec ce que le personnage accepte ou pas. La jeune actrice, Léone François, est celle qui s’oppose le plus ouvertement à la violence parce qu’elle est l’invitée de cette famille où la violence a pris le pouvoir. Magali Pinglaut est quelqu’un qui accepte par amour, par fidélité, par passion, une part de violence mais qui est capable aussi de s’y opposer. Et Adrien De Biasi, le jeune acteur, l’accepte par dépit et précarité car s’il n’accepte pas l’emprise de son père, il doit sortir du cocon, mais il en a peur car il ne sait pas où aller. L’auteur réussit à nous donner subtilement la matière pour comprendre pourquoi l’être humain est capable d’accepter la violence.

Ce sont des prestations de jeu qui sont très physiques ?
Oui, j’aime que dans une situation quotidienne, le corps soit engagé. Comme l’histoire se passe dans un salon, ça aurait pu être très statique. Or, ici, il y a un engagement physique qui est demandé, il y a un rythme qui est extrêmement précis. J’ai construit avec chaque acteur.rice, chaque personnage leur partition. Et cette partition est millimétrée. Le tempo et le rythme sont essentiels à la bonne exécution de l’œuvre. Ils et elles font tous un travail remarquable car cette partition doit être exécutée ensemble, dans une écoute, une réponse, un plaisir, et ce malgré ce rythme soutenu.

Violence and son, la nouvelle création de L’Ancre sera présentée à l’Eden à Charleroi du 24 au 27 janvier.

Un atelier collage est organisé en résonance au spectacle le samedi 28 janvier.

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